Fondation Un Coeur

 Interview du docteur vétérinaire C. POISSONNIER qui développe cette discipline avec le soutien de la Fondation Un Cœur.

            La Fondation Un Cœur soutient la recherche en cardiologie, y compris chez des animaux très particuliers ! Aujourd’hui, on vous présente le Dr Camile POISSONNIER, diplômée du CEAV de médecine interne et cardiologue en charge de la consultation de cardiologie des Nouveaux Animaux de Compagnie (dits NAC : lapins, serpents, rats, oiseaux de compagnie…) au sein de l’Unité de Cardiologie d’Alfort (UCA) dirigée par le Pr. V Chetboul, en collaboration avec le service NAC du Dr. C Pignon, au CHUVA (Centre Hospitalier Universitaire Vétérinaire d’Alfort).

Le docteur Camille POISSONNIER au cours de l’examen échocardiographique d’une tortue.

  • Vous êtes vétérinaire cardiologue et vous travaillez depuis plus de 6 ans à l’Unité de Cardiologie d’Alfort. Pouvez-vous nous raconter un peu votre parcours pour en arriver jusqu’ici ?

Je suis diplômée de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort. Suite à cela, j’ai passé une année dans le service de cardiologie d’Alfort en stage (Unité de Cardiologie d’Alfort, UCA). Ensuite, j’ai été pendant 3 ans assistante de recherche clinique au sein de l’UCA, qui est un des postes financés par la Fondation Un Cœur. C’est à ce moment-là que je me suis formée en cardiologie. Cela fait maintenant 3 ans que je suis praticien hospitalier adjoint au sein de l’UCA.

Depuis septembre 2020, nous avons ouvert des créneaux de consultation spécialement dédiés pour les NAC en cardiologie. J’assure la partie cardiologie en faisant les examens et les échocardiographies, et le service NAC du CHUVA apporte son expertise sur la prise en charge de ces animaux.

  • Comment en êtes-vous venu à travailler avec les NAC ?

Depuis que je suis praticienne hospitalière, j’ai pris goût à la cardiologie des Nouveaux Animaux de Compagnie. J’ai fait beaucoup de bibliographie pour voir tout ce qui avait été publié sur le sujet et je me suis formée par moi-même.

C’est une discipline qu’il m’a plu de développer car il y a beaucoup de choses à comprendre : c’est quelque chose de très nouveau, sur lequel il n’y a pas beaucoup de publications. J’aime aussi beaucoup le côté multi-espèces : on voit des oiseaux, des petits mammifères, parfois des reptiles. C’est très enrichissant. Je ne fais pas exclusivement de la cardiologie chez les NAC, je fais même principalement de la cardiologie chien/chat mais j’avais à cœur de développer cela et on se rend compte qu’il y a aussi une demande de plus en plus importante de la part des propriétaires et des vétérinaires référents.

  • Comment est née la consultation de cardiologie des NAC de l’Unité de Cardiologie d’Alfort ? Quelles sont les responsabilités associées au poste de responsable du pôle « Cardiologie des NAC » ?

C’est en pratiquant, en voyant des animaux, et en travaillant avec l’équipe NAC du centre hospitalier de l’école, qu’on a vraiment voulu développer ce service spécialisé, afin de proposer aux propriétaires de NAC des consultations de cardiologie. En effet les NAC peuvent souffrir de cardiopathies, et le vétérinaire traitant peut détecter à l’auscultation des souffles cardiaques, des arythmies aussi. Les cardiopathies sont très certainement largement sous-diagnostiquées dans ces espèces.

Au sein de cette consultation, c’est moi qui suis la référente. Donc quand il y a un NAC à examiner, on va préférentiellement me l’envoyer. Néanmoins, mes collègues cardiologues de l’UCA sont aussi amenés à les examiner et sont tout à fait aptes à le faire. Je représente donc la partie cardiologie : je fais les échocardiographies, des ECG aussi ; et les vétérinaires du service NAC participent par leur expertise.

On a aussi essayé de sensibiliser un petit peu plus les cliniciens, que ce soit en NAC ou que ce soit en cardiologie, aux affections cardiaques des NAC.

  • Les patients sont-ils nombreux dans cette consultation de cardiologie ?

Les patients sont de plus en plus nombreux, surtout quand on compare à il y a 3-4 ans. On en voit dorénavant toutes les semaines, et quasiment tous les jours.

  • Quels animaux rencontrez-vous le plus ? Les clients viennent-ils spontanément consulter à l’UCA ou sont-ils plutôt référés par d’autres vétérinaires ?

Certains propriétaires souhaitent que leur animal ait un bilan cardiovasculaire mais ce ne sont pas les majoritaires. Le plus souvent, ce sont des animaux qui sont passés par le service NAC du CHUVA car les cliniciens y sont particulièrement sensibilisés et ont l’habitude de travailler avec nous. Il y a aussi des vétérinaires extérieurs qui nous envoient des animaux.

Ce sont donc souvent des animaux pour lesquels une arythmie ou un souffle cardiaque ont été entendus, ou pour lesquels on a fait une radiographie qui a révélé un cœur de taille augmentée… Ces anomalies nécessitent souvent de faire une échocardiographie, notamment avant une anesthésie. Les NAC sont eux aussi atteints fréquemment par des affections cardiaques. Par exemple, une étude a montré qu’un quart des Chinchillas présentent un souffle cardiaque, qu’il va donc falloir explorer à l’aide d’une échocardiographie.

  • Quel est la place de la Fondation Un Cœur dans votre pratique ?

J’ai été assistante de recherche clinique grâce à la Fondation Un Cœur pendant 3 ans. On (l’Unité de Cardiologie d’Alfort, ndlr) a aussi participé à beaucoup de projets soutenus par la Fondation Un Cœur, notamment des chirurgies cardiaques chez des chiens. Je travaille aussi souvent avec la personne réalisant le Clinicat Cardiologie Faune Sauvage de la Fondation Un Coeur, avec lequel j’ai pu faire des interventions notamment à la Ménagerie du Jardin des Plantes. Par exemple, on était allé voir une petit chèvre Goral pour laquelle on avait fait un bilan cardiaque suite au décès de sa mère, qui était cardiopathe.

  • Participez-vous à la formation d’autres cardiologues qui souhaiteraient travailler avec des NAC ? A la recherche sur les NAC ?

Je donne le cours de cardiologie des NAC pour le Diplôme d’École de NAC. Il s’agit de la seule formation française qui aborde la cardiologie des NAC.

On essaie aussi de mieux comprendre et traiter les affections cardiaques des NAC. En ce moment, on étudie notamment les épanchements péricardiques chez le Cochon d’Inde. L’année dernière, on a aussi pu effectuer bilan cardiovasculaire complet chez des flamants rouges et décrit cet examen, afin de permettre aux vétérinaires en faune sauvage de mieux évaluer la fonction cardiaque dans cette espèce. Nous avons encore plein de projets pour justement essayer de mieux décrire l’examen échocardiographique chez les NAC et la faune sauvage et d’améliorer l’utilisation des traitements.

Article sur l’auscultation des flamants rouges : http://www.fondationuncoeur.com/evaluation-echocardiographique-et-electrocardiographique-chez-des-flamants-des-caraibes/

  • La prise en charge d’un patient cardiopathe NAC est-elle différente de celle d’un chien ou d’un chat ?

Ces animaux ont des fréquences cardiaques plus élevées, des cœurs plus petits. L’examen clinique est particulier car comme ce sont majoritairement des proies, ils sont très sensibles au stress, ce qui peut provoquer des crises cardiaques. On est donc extrêmement précautionneux au cours de l’examen. Ensuite, l’examen échocardiographique est semblable à celui d’un chien ou d’un chat. Seules certaines techniques d’imagerie plus poussées (notamment l’échocardiographie en 3D) ne peuvent être utilisées à cause de la trop petite taille du cœur des NAC.

Au niveau de la prise en charge, c’est très similaire car on utilise les mêmes molécules, à des doses adaptées en fonction des espèces mais souvent assez proches de celles du chien et du chat. Ils ont aussi des maladies assez semblables : des maladies cardiaques de naissance, des maladies du muscle cardiaques, des valves… avec des petites spécificités d’espèces que l’on commence à décrire et connaître de plus en plus.

Pour le moment on ne fait pas de chirurgies car ces animaux sont très petits. Il faut aussi prendre en compte l’aspect du risque provoqué par l’anesthésie, plus risquée dans ces espèces.

  • Auriez-vous un patient qui vous a particulièrement marqué à nous mentionner ?

Je dirais un petit Cochon d’Inde qui avait une myocardiopathie dilatée très avancée, avec de l’épanchement, de l’œdème pulmonaire, donc vraiment décompensée. Il respirait mal, ne mangeait plus… Il n’était vraiment pas bien. Il ne répondait pas au traitement diurétique habituel utilisé dans cette espèce donc on a pour la première fois utilisé un autre diurétique, récemment co-développé pour le chien grâce à notre unité de cardiologie, et il a très bien répondu. On a eu une super amélioration. Les propriétaires étaient vraiment ravis et avec ce médicament il a pu vivre encore plusieurs mois, malgré sa grave maladie décompensée.

Sinon il y a aussi eu la petite chèvre Goral, qui avait été élevée entièrement au biberon suite au décès de sa mère qui avait une maladie cardiaque. On a pu lui faire un examen échographique complet car elle avait entièrement confiance en son soigneur, ce qui nous a permis de vérifier qu’heureusement, elle n’avait pas de problème cardiaque hérité de sa mère. On était vraiment soulagés !

  • Quelles sont les perspectives pour la cardiologie des NAC ? Des projets en cours de votre côté ?

Les perspectives sont d’améliorer les connaissances des vétérinaires dans cette discipline et de faire entrer l’examen cardiologique des NAC dans la routine de la médecine vétérinaire. Et bien sûr développer les traitements, et pourquoi pas vivre prochainement une chirurgie cardiaque chez un NAC ! La seule description d’une telle opération est celle de la pose d’un pacemaker chez un furet en 2006.

De mon côté, je vais commencer le diplôme inter-école de phytothérapie en février, avec des applications en cardiologie, et j’espère pouvoir en faire bénéficier mes patients NAC !